Malgré la brièveté de nos existences, nous, contemporains et toujours vivants, assistons à une évolution vertigineuse de notre société humaine dotée d’une grande part d’incertitude sur la direction qu’elle prend. Si les changements des époques protohistoriques étaient insignifiants sur des milliers d’années, les courbes se sont inversées.
Bien difficile aujourd’hui d’être au fait de toutes les innovations technologiques et scientifiques.
C’est à partir du néolithique que l’accélération a commencé pour l’humanité.
Le néolithique est la dernière période de la préhistoire et se situe, pour la France,
entre 5800 et 2500 ans avant notre ère environ. Sédentarisation, premiers villages,
cultures des céréales, élevage, innovations ont marqué un tournant dans les modes de vie.
Ensuite l’apparition des villes, des systèmes, administratifs, de l’écriture, la démographie et l’avènement des sciences ont suivi et accéléré encore plus le processus.
Révolutions industrielles, économiques ont réorganisé l’économie mondiale.
Machine à vapeur, chemin de fer, électricité 1875, moteur à explosion automobile 1900, premier vol motorisé 1903 sont autant d’inventions incontournables de cette évolution.
Le XXe s a été le siècle de l’accélération d’innovations importantes. Percées médicales, développement de la société de consommation, mondialisation, période entrecoupée de deux guerres mondiales font malgré tout de ce dernier un siècle tranquille comparé au premier quart du XXIe s.
Depuis que nous sommes entrés dans le XXIe s, c’est comme si nous avions subi en avion une accélération de force G.

Nous vivons depuis l’an 2000, une révolution dont nous n’avons aucune visibilité à long terme et qui est due au développement simultané de 4 technologies, les NBIC. Chacune d’elle seule peut bouleverser la société et est interdépendante des autres. Réunies, elles représentent un levier extrêmement puissant d’accélération mais aussi potentiellement de destruction.
Les NBIC, sont un champ scientifique multidisciplinaire qui se situe au carrefour des nanotechnologies (N), des biotechnologies (B), des technologies de l’Information (I) et des sciences cognitives (C)[1].
Certains utilisent la notion de « grande convergence » pour souligner l’interconnexion croissante entre « l’infiniment petit (N), la fabrication du vivant (B), les machines pensantes (I) et l’étude du cerveau humain (C) ».
Leurs applications sont prometteuses ne serait-ce que dans le domaine médical et de l’informatique. L’on cherche en effet, à acquérir l’autonomie par la commande directe du cerveau, assisté par des électrodes externes ou internes qui éviteraient la nécessité de passer par un clavier ou un système de reconnaissance des gestes, mouvements d’yeux, etc. pour communiquer avec des systèmes informatisés.
Derrière l’aspect utile de ces applications, l’objet des NBIC est la modification de notre humanité biologique.
« Cela est du jamais vu ! » nous dit Dct Laurent Alexandre.
Leur progression constante et exponentielle leur attribue un aspect d’imprévisibilité à moyen terme. Quant aux enjeux financiers et politiques qu’elles entrainent, elles sont sources de remaniement économique permanent au niveau mondial.
L’homme a exploré tous les horizons qui lui paraissaient impossibles de l’infiniment petit à l’infiniment loin. Il sait revisiter le passé par l’exploration scientifique (datation carbone, Adn, etc.) et il tend inexorablement vers le futur pour y comprendre le sens de l’univers et de sa propre existence en son sein.
Nos physiciens prétendent aujourd’hui pouvoir expliquer un jour le monde avant le big bang.
Quant à la preuve des multi-univers, l’analyse du fond cosmologique le permettra et ils y travaillent.
La très grande capacité de calcul en constante progression nous mène vers une puissance informatique inégalée qui répond à une fascination de l’humain à toujours dépasser encore plus ses limites.
S’il y a bien une limite qui fascine ces mêmes scientifiques, c’est celle de la mort.
Et ils travaillent aussi.
Le transhumanisme en est un exemple. Certains chercheurs de la Silicone Valley, avec cette capacité grandissante de calcul informatique qui semble donner les pleins pouvoirs, pourraient caresser l’idée, non pas d’atteindre Dieu, mais de se prendre pour lui.
C’est le propre des apprentis sorciers.
Si durant des millénaires, l’homme a joué à composer avec la nature, a appris à maitriser l’ordre naturel, le feu, les animaux, les plantes, aujourd’hui il aspire à créer son propre ordre, qui relève de son esprit.
Mais quel est le contenu de cet esprit ? Ce n’est pas un esprit ayant purifié le mental, ce n’est pas un esprit dominant l’ego et laissant place à une éthique humaniste.
C’est un esprit assoiffé de conquête, de pouvoir financier et politique.
Durant son évolution, l’homme - et plus encore son cerveau -, eut à chaque instant de ses expériences, des choix infinis d’orientation. Le choix technologique pour transcender sa nature est le choix actuel dominant.
Mais choisit-on vraiment ou l’ensemble des initiatives mondiales détermine, de facto cette orientation dominante, à l’insu du plus grand nombre ? Est-ce la bonne ? Nous le saurons très vite. Nous en voyons déjà les bienfaits mais aussi les dégâts.
Choisir, c’est aussi renoncer !
D’un point de vue yoguique, ou du moins en préservant une éthique spirituelle et sacrée, nous aurions pu développer davantage les capacités dormantes et naturelles du cerveau humain dans une osmose avec les pouvoirs de la nature et non dans l’asservissement de cette dernière. Intuition, télépathie, visualisation, télékinésie, vision du temps, téléportation psychique et énergétique, emc, ( états modifiés de conscience), soins énergétiques, transcendance, sauts quantiques, longévité, etc. sont autant d’aptitudes non farfelues et dormantes chez le commun des mortels. Souvent en non contradiction avec l’approche quantique, elles sont d’ailleurs et de façon détournée, l’objet de convoitise de ces innovations technologiques.
Les comparer aux prouesses technologiques de nos jours peut sembler dérisoire aux scientifiques. Ces derniers préfèrent trouver des substituts numériques, prothèses, puces, mini-robots, nanotechnologies, etc., donnant un résultat plus fiable et plus reproductible.
Certes, les pratiques yoguiques nécessitent des aptitudes exceptionnelles et des années d’apprentissage et pendant ce temps-là, les aveugles ne voient pas, les paralysés ne marchent pas !
Nous acceptons ainsi de devenir dépendants des machines numériques.
Dans ce XXI e s, il va nous falloir réagir efficacement pour rester garants de notre propre sécurité et nous pouvons douter que des comités d’éthique déjà en place soient suffisamment efficaces pour anticiper dès maintenant les déviances potentielles des ingénieurs visionnaires.
Des comités planchent sur les effets délétères d’innovations déjà dépassées et déjà intégrées par un plus grand nombre. Ils ont un temps de retard.
L’esprit humain est tel que ces mêmes apprentis sorciers, voire les méga entreprises des GAFAM créent en leur sein, pour justifier leurs orientations technologiques, de soi-disant comités d’éthique censés jouer leur garde-fou. Leurre pour apaiser les consommateurs qui les nourrissent pendant qu’eux-mêmes les asservissent.
Dans cette marée de l’information numérique et des applications de divertissement plus ou moins pertinentes, les innovations médicales, astrophysiques, physiques restent spectaculaires et admirables. Par contre et pour ne citer que cet exemple, le bricolage du génome humain ne nous donne aucune visibilité sur ce que sera le genre humain dans plusieurs décennies.
L’IA, les NBIC touchent à des dimensions fondamentales de la nature humaine, de la naissance à la mort même. On va programmer des enfants sur mesure et prolonger la mort physique par une immortalité numérique de l’esprit humain.
Nous touchons au sacré de la nature, nous jouons avec son feu.
Nous la défions dans sa dimension mathématique mais elle nous balaie par une simple tornade, un incendie ou un raz de marée.
Les visionnaires informaticiens d’aujourd’hui sont les nouveaux gourous qui, par un discours porteur et inspiré, prédisent le pouvoir illimité de l’homme de demain.
Pour eux, ils aspirent à son évolution perpétuelle et exponentielle, à sa réinitialisation récurrente pour optimiser ses facultés, à son perfectionnement permanent car la technologie transgressera tout chez lui. Commander son cerveau et le réinitialiser de son portable sera un jeu d’enfant.
Nous n’avons jamais vu autant de trentenaires courir avec leur montre connectée à leur bras...
C’est la vision des transhumanistes, déjà très actifs et détenteurs des moyens pour y arriver.
Le commun des mortels a toujours caressé le désir d’immortalité. Nous sommes assujettis à des limites biologiques qui ne font pas peur aux manipulateurs du vivant, qui, forts de NBIC, pourront agir comme c’est déjà le cas, tant au niveau cellulaire qu’au niveau physiologique.
Nous augmenterons assurément notre espérance de vie, mais il faudra en payer le prix d’une manipulation profonde de notre dimension biologique.
Et là, c’est l’inconnu !
Les grands mythes qui parlent de vendre son âme au diable pour avoir la jeunesse éternelle étaient finalement peut-être les précurseurs d’une prochaine réalité.
Le diable étant peut être l’IA de demain.
L’immortalité est l’un des plus vieux mythes de l’humanité et les hommes ont cherché à comprendre comment l’atteindre. Ne jamais vieillir, ne jamais mourir, rajeunir de temps en temps semblaient en être les moyens. La très vieille légende de La fontaine de jouvence où il suffirait de boire quelques gorgées pour rajeunir aussitôt était très vivace au Moyen-âge.
Quels que soient les récits à différentes époques ( Gilgamesh, Hercule, Dorian Gray, etc.) l’âge idéal a toujours été le même : entre 30 et 33 ans à la limite, en gros l’âge du Christ au moment de sa mort, donc forcément l’âge parfait.
Paradoxe ! Sa mort à cet âge-là, l‘a rendu immortel dans le cœur des hommes.
La jeunesse éternelle était une caractéristique des habitants du Paradis dans les religions brahmaniques. Les hindous affirment que les ṛṣi ऋषि védiques et post-védiques ont atteint l’immortalité, ce qui implique la capacité de changer l’âge ou même la forme de son corps à volonté.
Le yoga malgré tout est aussi associé à la longévité obtenue grâce à ses pratiques
et sa réputation repose sur des faits.
Mais rien à voir avec la puce de la taille de 25 cents que l’on nous mettra très bientôt sous le cortex préfrontal pour y projeter en images 3D nos rêves les plus enfouis et nous reprogrammer pour 30 ans de plus en nous rajeunissant de 20.
Pfff, en yoga, nous connaissons déjà cela …
Jaya ne peut faire autrement que de dire cela !
Nous sommes des enfants de la nature et en elle, se déroulent la tragédie universelle de la vie et de la mort, le sacrifice cosmique du vivant. Ce sacrifice qui nous englobe comme il le fait avec la relative existence entre un éphémère et une tortue centenaire, une belle de nuit et un olivier millénaire. L’univers lui-même obéit à ses cycles de renaissance et de mort. Prétendre à la longévité peut être compréhensible si celle-ci se fait dans une décence mentale et physique, mais aspirer à l’immortalité dans une telle nature, c’est remettre en question les fondements même de nos existences dans ce cosmos.
Il eut été préférable de savoir grandir et vieillir en sagesse et détachement que de courir et prétendre pouvoir être le maitre du monde et tout avaler.
Peut-être alors qu’avec une maturité de la race humaine à l’échelle mondiale, où nous aurions éradiqué les guerres et l’injustice, nous pourrions prétendre en longévité pour entreprendre un voyage pacifique vers les étoiles.
Nous en sommes bien loin !
Ce qui intéresse l’homme et sa nature avide, c’est d’aller conquérir et soumettre encore plus des terres lointaines dans l’immensité cosmique afin d’obtenir plus de puissance et ressources pour son seul plaisir.
Le temps d’atteindre l’infini restera toujours sa limite.
Ainsi, le perfectionnement de l’homme ne devrait-il pas commencer par sa rééducation aux lois universelles et sacrées de la nature, ce premier pouvoir dont il est issu ?
Il ne s’agit pas là de faire le procès systématique des innovations des NBIC, bien au contraire, ni d’avancer une revendication passéiste de ma part, une attitude réactionnaire et protectionniste dont le credo serait celui du bio, du naturel, de la tradition millénaire comme seule vraie référence.
Les créations de l’homme, qu’elles soient diaboliques ou fabuleuses font partie de la nature à partir du moment où elles émergent de son processus créatif.
« Le Tout est dans le Tout, et si j’enlève le Tout, reste le Tout » vous diront les yogis.
L’abstraction métaphysique qui nourrit la quête de la transcendance yoguique, à savoir l’aspiration à la fusion avec l’absolu, est peut être finalement le plus court chemin et le plus subtil pour comprendre cet univers qui nous gouverne.
Pour le yogi, il est déjà présent en nous à un état endormi. Inutile alors d’aller le chercher aux confins de l’univers.
« Ils allèrent voir si j’y étais, et j’y étais, mais j’étais aussi déjà là, avant qu’ils y aillent ! » pensera en lui-même l’Absolu.
Paradoxalement c’est peut être la démarche la plus réaliste et la plus efficace pour atteindre l’infini que celle utilisée par les anciens éveillés, les initiés, qui finalement perçurent sans radars ni télescopes et par des approches intuitives, des vérités universelles.
On leur attribuera de façon infondée, un archaïsme naïf et ignorant. Ils étaient sur une voie que peu d’hommes prirent, car n’étant pas sur la voie de la guerre mais sur celle de l’amour.
Ainsi donc, soit nous exploserons comme la grenouille de La Fontaine à vouloir être trop, soit nous nous « automuterons » au point d’en oublier l’homme originel que nous étions, avec sa fragilité organique et sa sensibilité sacrée.
Peut-être qu’alors, les nouveaux mutants chercheront dans leurs archives à quoi nous ressemblions lorsque des larmes de joie ou de chagrin coulaient sur nos joues rouges.
La sensation des leurs ayant disparu à jamais car remplacée par un algorithme qui les autorisera à verser tant de micro volume sur leur peau siliconée, selon la situation rencontrée.

La larme d’un humain d’aujourd’hui pèse 50 microlitres et il pleure environ 100 litres de larmes dans sa vie entière.
De quoi seront faites les larmes de nos descendants ?
Hari Om Tat Sat
Jaya Yogācārya
Bibliographie :
– « La guerre des intelligences à l’heure du ChatGPT » de Dr Laruent Alexandre aux Edts JCLattès
– Adaptation et commentaire de Jaya Yogācārya
©Centre Jaya de Yoga Vedanta La Réunion & Métropole
Remerciements à C. Pellorce pour sa correction
Messages
1. Force G, 29 septembre, 13:56, par bonnabeau
Bravo pour votre article clair passionnant ainsi d’ailleurs que tous vos ecrits
1. Force G, 29 septembre, 14:03, par Jaya
Merci à vous de nous suivre. Cordialement, Jaya